L’acte délégué de la CSRD publié le 31 juillet 2023 introduit le concept de double matérialité. Souvent qualifiée d’avancée majeure en vue de renforcer la transparence sur l’impact réel des entreprises, l’application de la double matérialité aux entreprises européennes de plus de 250 salariés constitue un préalable nécessaire à l’alignement des entreprises sur les objectifs de l’Accord de Paris. Sous le feu des projecteurs ces derniers temps, Impact France vous dit tout sur l’introduction de ce concept clef pour la transition comportementale des entreprises.
La CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), adoptée en novembre 2022 par l’Union européenne, va progressivement imposer à plus de 50 000 entreprises la publication d’un reporting de durabilité. Introduite dans l’acte délégué de la CSRD (adopté le 31 juillet 2023), l’analyse de double matérialité est au cœur de ce nouvel exercice de reporting ESG.
La double matérialité correspond à la conjonction entre deux types de matérialité :
👉Un indicateur (ex : la pollution) est dit « matériel » lorsque les activités de l’entreprise l’impactent et/ou lorsque cet indicateur a un impact sur les performances de cette même entreprise.
Prévue par l’acte délégué de la CSRD, cette auto-évaluation suppose que l’entreprise ne communiquera un indicateur que si elle estime qu’il peut avoir un impact sur sa performance et/ou si son activité peut avoir un impact sur cet indicateur.
Selon la Commission : cette mesure devrait entrainer une réduction de la charge pour les entreprises et garantir que les normes soient appliquées de manière proportionnée.
Cette analyse permettra, selon Eurosif, aux entreprises d’omettre des parties entières de leurs informations sur le développement durable.
Selon l’ONG Finance Watch, le règlement sur la publication d’informations de durabilité dans le secteur des services financiers (plus communément connu sous l’acronyme SFDR) obligeant les institutions financières à capter des informations sur les émissions de gaz à effet de serre des sociétés dans lesquelles elles investissent, ce reporting pourrait être contraint si certaines de ces sociétés omettent des indicateurs (ex : la « pollution de l’air »).
➡️ Pour pallier à ces risques, la Commission européenne a précisé que :
Les défenseurs d’un reporting exigeant regrettent que cette « explication détaillée » ne concernent pas, au même titre, la biodiversité, puisque comme l’expliquent de nombreux spécialistes, et notamment Jean-Marc Jancovici, il n’existe « pas une activité humaine qui ne dépende de la biodiversité et lui porte atteinte » : celle-ci est donc « matérielle » par nature.
Depuis plusieurs années, l’Europe, à travers la NFRD (Non-Financial Reporting Directive, ancêtre de la CSRD) puis la CSRD, a accéléré en direction d'une normalisation des informations de durabilité. Ayant fait le choix de développer ses propres normes au même titre que les Etats-Unis, l’Union européenne doit cependant faire face à la concurrence internationale. Principal concurrent, l’ISSB (International Sustainability Standards Board), bras armé de la IFRS Foundation créée en 2021 avec l’objectif d'élaborer un jeu de normes internationales de référence pour la publication d'informations sur les risques et les opportunités liés à la durabilité des entreprises.
➡️ L’approche de l’ISSB est dite « moins ambitieuse » pour deux raisons principales :
Bien que moins « puissante », la matérialité d’impact est essentielle car :
Si la méthodologie d’évaluation n’est en effet pas encore stabilisée, cela n’enlève rien à la pertinence de la double matérialité pour diriger les choix stratégiques. Il existe deux défis principaux :
La CSRD, complémentée par les autres législations adoptées et/ou en cours d’adoption par l’Union européenne sur la durabilité des entreprises, conduira in fine les entreprises à s’aligner sur l’Accord de Paris. et cela pour deux raisons principales :
Comme l’expliquait le Président de l’Efrag Patrick de Cambourg, “la transparence ne dicte pas les comportements, mais il est évident qu’elle les influence”.
Bien que la méthodologie de la matérialité d’impact soit loin d’être stabilisée, la pertinence de la double matérialité est loin d’être une illusion, au moins pour trois raisons :
Le tableau suivant présente de façon simplifiée les avantages et inconvénients des deux cadres normatifs :
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